« Le choix de l’instrumentarium pour jouer ce répertoire était un point essentiel de ce projet. Les seules sources d’époques évoquant les instruments joués, sont les pages de titres des collections d’airs, mais il faut être prudent avec ces informations car plus l’éditeur mentionnait d’instruments différents plus il augmentait ses clients potentiels ! On retrouve les mentions de violins, german flute, harpsichord, violoncello, viola da gamba et mêmes hautboy ! Au regard de ces sources, mais également des différentes structures des airs, plusieurs instruments me sont apparus évidents comme la flûte allemande, le violon et la viole, afin d’assurer la mélodie et la basse.

Deux interrogations subsistaient ; la réalisation de la basse continue, ainsi que le soutien rythmique (qui joue un rôle très important, notamment dans la musique traditionnelle actuelle ; on pense à la guitare, ou encore à l’instrument de percussion le bodhràn). Pour le continuo mon choix s’est porté sur la harpe, pour ce qu’elle représente dans la culture gaélique (emblème de l’Irlande, instrument principal des bardes du XVIIe siècles…) mais également pour sa palette dynamique très riche. Le fait que la plupart des morceaux du XVIIe siècle aient été composé pour harpe fut également un argument de poids.

Pour ce qui est du rythme, un instrument à cordes pincées semblait le plus adéquat, seulement la guitare telle qu’on la connaissait en Italie, France et Allemagne au XVIIe et XVIIIe n’existait pas en Angleterre. En revanche un instrument très original appelé cittern, guittar ou english guitar a attiré mon attention. Cet instrument est une évolution du cistre renaissance, de taille vraiment supérieur, avec généralement 5 choeurs (doublés), mais avec cordes en métal comme le modèle renaissance. Le son de cet d’instrument est saisissant car il s’apparente au son de la guitare folk actuelle ou encore au bouzouki irlandais. Ce type d’instrument n’étant aujourd’hui plus du tout utilisé, ni copié, nous avons donc décidé avec Jean-Christophe Morel, d’approfondir la recherche dans le but de trouver un modèle d’époque afin d’en réaliser une copie.

Nous avons alors découvert plusieurs instruments présents dans des musées écossais (University of Edinburgh, Robert Burns Museum…), irlandais (National Museum of Ireland) et anglais (Victoria and Albert Museum, Royal Academy of Music..). En discussion avec le luthier irlandais Frank Tate, notre choix s’est porté sur un modèle présent dans l’une des collections du National Museum of Ireland (Dublin), fabriqué par William Gibson en 1778 à Dublin. Nous avons donc aujourd’hui le privilège de redécouvrir ce répertoire avec un instrument unique. »

Alix Boivert

William Gibson Cittern.
This instrument was made on Dame Street (Dublin) in 1778.
I was delighted to receive a commision from J.C. to make a copy. It was very interesting to study and measure the original in Collins Baracks Museum. The workmanship was marvellous and very inspiring. I hope that my copy will have such a long and interesting life and be used in many compositions.”

Frank Tate